Bureau d'écriture des lettres non-écrites
au jeudi 11 décembre 2025
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Humain
Si vous avez un jour voulu écrire une lettre à quelqu’un sans jamais le faire, parce que vous n’avez pas osé, pas su, pas pu, ou pas réussi à aller jusqu’au bout, racontez-la-moi et je l’écris pour vous.
David Geselson
Jusqu’au mois de décembre, en collaboration avec la Maison de la littérature, les autrices Anne-Marie Olivier et Carolanne Foucher prêteront leur plume aux citoyens de la ville de Québec pour rédiger leurs lettres non-écrites. Celles-ci s’ajoutent aux centaines de voix en provenance de Paris, Bruxelles et même New York où David Geselson et la compagnie française Lieux-Dits ont chapeauté des processus similaires.
Le bureau d’écriture précède (mais n’est pas obligatoirement relié) la représentation du spectacle Lettres non-écrites de la Compagnie Lieux Dits qui sera présenté dans le cadre du Festival Carrefour au printemps 2026. Ce spectacle est issu de plus de 400 lettres et d’innombrables heures de rédactions guidées par des participant·e·s anonymes en provenance de Paris, Bruxelles et même New York. Un projet à la fois intime et collectif, qui nous connecte toustes les uns aux autres, une lettre à la fois.
À noter : les lettres rédigées ne seront pas systématiquement intégrées au spectacle et ne le seront que si le ou la participant·e donne son accord explicite.
Si l’événement affiche complet, vous pouvez contacter l’accueil au (418) 641-6797, poste 3 pour ajouter votre nom sur la liste d’attente.
Quelques exemples de lettres
Saintes. Printemps 2019. Matin.
Vincent, à Caroline, à qui il écrit sur Tinder depuis 2 mois.
Samedi 6 avril, 14 h 05 Saintes.
Caroline,
C’est la première fois que je prononce ton prénom.
Tu deviendras peut-être réelle demain soir, dimanche.
Comme convenu.
Le scénario est clair.
J’en ai les sangs qui me battent et me frappent le ventre.
Un mélange de chaleur et de salive qui afflue.
T’embrasser et te prendre comme tu me l’as demandé.
Être le maître du jeu.
Je ne sais pas si je serai à la hauteur.
Je ne sais pas si tu annuleras, encore une fois, tout au bord
du précipice.
J’espère que non.
Je voudrais te rencontrer sans tout briser.
Je voudrais te prendre.
D’abord lentement.
Puis entièrement.
Un tout petit peu trop fort.
Là où tu me l’as demandé.
Comme tu me l’as demandé.
Puis tu suivras mes règles.
Je voudrais métamorphoser nos nuits en jours, nos jours
en nuits, nos illusions en certitudes.
Tu existes.
Être bien sûr que nous existons, toi et moi.
Ce n’est pas moi qui t’écris cette lettre.
Mais tout y est de moi.
Si tu veux comprendre tu iras au Théâtre mardi soir.
À l’Abbaye aux Dames, à Saintes, à 19 h 30.
Je m’occupe de réserver ta place.
J’y serai.
Mais quoi qu’il en soit j’espère que je t’aurai vu dimanche
soir comme convenu.
Et sinon, j’espère que tu es là.
Tu es là ?
Je veux que tu saches ça, et que ça te soit dit :
Ma vie est suspendue à nos mots depuis deux mois.
Je voudrais t’aider à dépasser tes peurs et t’assouvir.
Viens.
Qu’on s’achève.
Vincent
Paris. Printemps 2016. Soir.
Raquel, à son enfant à venir.
Mon amour,
Tu viens d’avoir 20 ans.
Cette lettre t’a été écrite il y a 21 ans. C’était le 20 avril
2016. Il était 21 h 56, au 76 rue de la Roquette, à Paris dans
le XIe arrondissement, au Théâtre de la Bastille.
À l’heure où tu lis cette lettre, je ne sais pas si ce théâtre
existe encore, ni ce qu’il s’y passe, ni ce qu’il s’y est passé
ces 20 dernières années.
Cela fait un long temps que je t’espère, et que je voudrais
que tu existes. Et je ne suis pas encore enceinte de toi.
Mais j’espère l’être vite.
J’ai une malformation de naissance qui fait qu’avoir un
enfant est un risque très important.
Disons pour simplifier qu’il y a énormément de chances
que ça ne marche pas. Mais la vie est comme ça.
Parfois, même si on en a le désir le plus immense, les
choses peuvent ne pas marcher. C’est comme ça.
Je crois qu’il faut les essayer malgré tout. Parce que
l’impossible et l’impensable arrivent toujours.
On ne sait jamais. Alors il faut essayer.
Je ne m’imagine pas du tout comment est la vie pour toi,
pour nous, en 2037, alors que tu lis cette lettre.
Où que nous soyons, que tu sois, je veux te dire que je
t’aime.
Avec ton père nous avons longtemps regardé le monde
avant de décider que nous voulions avoir un deuxième
enfant.
Notre désir est devenu une obsession. Une force
implacable.
Le monde de 2016, celui d’où je t’écris, est en passe de
devenir un monde impossible, et tout dit que la vie est un
risque fou. Que le monde que je te propose est un monde
en feu, et qu’on ne met pas quelqu’un au milieu d’un
incendie, comme ça, simplement pour obéir à son désir.
Mais nous t’avons voulu.
Le XXe siècle, qui doit te paraître une chose lointaine, est
un siècle où l’humanité a manqué de disparaître de très
nombreuses fois. Guerres atomiques, catastrophe
écologique, guerres mondiales, terrorisme, tueries de
masse, nettoyages ethniques, génocides, extinctions
d’espèces animales massives, astéroïdes frôlant la Terre et
ce genre de choses que tu connais sans doute déjà bien.
Mais jusqu’à aujourd’hui nous avons survécu.
Je ne sais pas s’il faut croire à l’instinct de perpétuation de
l’espèce humaine. Même si je dois reconnaître que j’ai un
instinct, là.
Mais je sais une chose, et c’est la raison pour laquelle tu lis
cette lettre : si l’Homme doit vivre, ce n’est pas pour une
raison magique ou mystique.
C’est parce qu’il y a parfois un désir implacable. Et le désir
de la joie et de la jouissance. « Joie et jouissance » certains
appelleront ça « bonheur », mais moi je trouve que c’est une
notion un peu compliquée, le bonheur…
En tout cas, voilà : il y a dans le cerveau un certain nombre
de substances, comme la dopamine et la sérotonine, qui
rendent le corps extatique et la réalité heureuse. Et
l’humain fait tout pour secréter un maximum de ces
substances. Et ça, c’est au-delà de tout : la recherche du
bien-être c’est au-delà de tout.
La nécessité du bien-être est une nécessité
neurochimique. Et dans la nécessité neurochimique du
bien-être est contenue la nécessité de la préservation de
l’espèce humaine.
Les humains fonctionnent comme ça, c’est chimique.
La préservation de l’espèce humaine, c’est chimique.
Et il y a aussi toujours la mort, l’horreur, la douleur et la
peine. Évidemment. Il y a toujours l’horreur. Ça c’est
constant. Comme la neurochimie.
Mais bon. La mort on ne peut rien y faire. Alors il vaut mieux
vivre.
Je te dis tout ça, peut-être un peu maladroitement, pour te
dire que quelque soit l’état dans lequel le monde se trouve
aujourd’hui, si tu es en vie c’est parce que nous avons cru
qu’un monde était possiblement vivable si plutôt que de
subir la mort et l’horreur qui nous entoure, nous décidions
de répondre à l’implacable force du désir pour dire notre
certitude que la lumière est plus folle et plus probable que
l’obscurité.
Ne cesse jamais d’apprendre. Mets-y toute ton âme.
Parce qu’il n’y a rien au-dessus.
Sois en vie, mon enfant. Et sois heureux, même quand il y
aura l’obscurité.
Je t’aime.
Je t’aime au-dessus de tout.
Sois heureux.
Raquel
Déroulement du rendez-vous
Votre rendez-vous débute par une rencontre intime de 35 minutes avec les autrices Anne-Marie Olivier ou Carolanne Foucher, dans lequel vous aurez l’occasion d’exprimer ce que vous souhaitez voir rédiger.
Ensuite, il y a une période de 45 minutes pendant laquelle l’autrice rédigera votre lettre en votre absence. C’est le bon moment pour explorer les magnifiques lieux de la Maison de la littérature.
Enfin, vous reviendrez pour 10 minutes de lecture, corrections et approbation.
Au terme de votre rendez-vous, vous pourrez choisir de repartir avec votre lettre, en format papier ou numérique, de la laisser derrière vous, ou même de demander sa suppression définitive. Vous pouvez aussi accepter qu’elle soit utilisée anonymement dans le cadre du spectacle Lettres non-écrites, qui sera présenté au printemps 2026 dans le cadre du Festival Carrefour.
D’autres bureaux d’écriture seront organisés tous les mois jusqu’au spectacle.

Connue à la fois comme interprète et autrice, Anne-Marie Olivier est une figure importante du théâtre à Québec. Depuis sa sortie du Conservatoire d’art dramatique de Québec en 1997, elle a joué dans plusieurs productions, en plus d’écrire continuellement.
En 2004, sa pièce solo Gros et détail, qui traite de sujets difficiles avec humour, lui a attiré un succès tant critique que populaire et fut acclamé au Québec, en Europe et en Afrique. Avec cette première création, elle met sur pieds en 2005 le Théâtre Bienvenue aux dames! dont elle assure la direction artistique. Ce premier cru lui a valu le prix d’interprétation Paul Hébert aux Prix d’excellence des arts et de la culture de Québec et le Masque du public Loto-Québec 2005. Elle poursuit son travail de comédienne pour Wajdi Mouawad dans
Forêts, Les trois sœurs et Temps, écrit Mon corps deviendra froid pour le Théâtre de Quat’sous.
Forte de ces expériences, elle crée Annette, un deuxième solo qu’elle joue sur patin. Puis elle créé Scalpé, Faire l’amour et Venir au monde entourée d’une remarquable équipe de concepteurs et conceptrices. Ce dernier texte fut récompensé par le Prix littéraire du Gouverneur général dans la catégorie Théâtre. « Le texte s’articule autour d’une fusion mythique entre le fantastique et le quotidien dans une structure redoutablement efficace. Venir au monde propose un portrait de société sensible et intelligent. Sa langue aux accents poétiques ancrée dans le territoire crée une ode au courage des femmes qui nous remue et nous interpelle. Nous avons été profondément touchés par les personnages puissants et attachants ainsi que par leurs histoires criantes de vérité », soulignera le comité des pairs.
En 2012, elle est nommée à la direction artistique du Théâtre du Trident. Elle met fin à son mandat en 2022 pour se consacrer entièrement à sa pratique artistique.

Carolanne Foucher est comédienne, dramaturge et poétesse, formée en littérature et en interprétation.
Elle a publié deux recueils de poésie aux éditions de Ta Mère, Deux et demie et Submersible, recueils recevant tous les deux un accueil critique et populaire chaleureux. Toujours chez les éditions de Ta Mère, ses pièces de théâtre Manipuler avec soin, publiée en 2022, ainsi que Ici par hasard, publiée le 5 août dernier, ont toutes les deux connu un accueil chaleureux, à Montréal comme à Québec. Carolanne a également publié un recueil de poésie jeunesse, Dessiner dans les marges et autres activités de fantôme, nommé en 2022 au prix du Gouverneur général, à Une ville un livre 2025, et dont l’adaptation théâtrale est lauréate du prix de la critique du meilleur spectacle jeunesse. Carolanne agit également à titre de scénariste, notamment sur la série Brainsto (Unis.Tv, 2025) ainsi que sur l’adaptation de ses propres œuvres théâtrales vers le cinéma. Elle travaille actuellement sur un roman.
Côté jokes, elle swing 190 sur 200.
Conception David Geselson
Écriture David Geselson, Anne-Marie Olivier, Carolanne Foucher
Production Compagnie Lieux-Dits
Coréalisation Carrefour international de théâtre
Nous tenons à souligner la contribution du Ministère de la culture et de la Ville de Québec dans le cadre de l’Entente de développement culturel. Nous remercions aussi la Ville de Québec, ville de littérature UNESCO.
La compagnie Lieux-Dits est conventionnée par le ministère de la Culture – DRAC Île-de-France, et par le département du Val-de-Marne au titre de l’aide au développement.
Le texte Lettres non-écrites est lauréat du dispositif CONTXTO d’Artcena et est traduit en espagnol (Chili) par Millaray Lobos.
Le texte des Lettres non-écrites est édité aux éditions Le Tripode.
David Geselson a reçu le prix Révélation du premier roman 2022 par la Société des gens de Lettres.
Cette activité est rendue possible grâce au soutien


En collaboration avec L‘Institut canadien de Québec, le festival Québec en toutes lettres et la Maison de la littérature