Le Cri du caméléon

Au cœur même du renouveau sans précédent du cirque contemporain français et de l’engouement qu’il suscite, Le cri du caméléon témoigne d’une recherche où l’art du cirque se mêle si intimement à la danse qu’on ne sait plus vraiment les départager.

Onze jeunes garçons issus d’une même promotion du Centre National des Arts du Cirque de Châlons-en-Champagne jouent ce spectacle unique avec insolence et le panache de la jeunesse. Guidés par la mise en scène poétique du talentueux chorégraphe d’avant-garde Josef Nadj, ils exposent avec désinvolture un goût du risque et du danger allié à une très grande maîtrise de l’art du cirque et de ses exploits.

S’inspirant du roman d’Alfred Jarry Les Surmâles, Josef Nadj  réussit à créer un univers presque surréaliste où l’absurde et l’humour sont toujours présents. Josef Nadj se sert des signes qui font partie de son univers chorégraphique habituel – cortège d’hommes en noir, chapeaux vissés sur la tête, trappes et cul-de-sac, amoncellement de tables et de chaises, instruments insolites –  pour fignoler un spectacle sans paroles où s’enchaînent, de façon quasi organique, les numéros d’acrobate, de jonglerie, de musique. Josef Nadj chorégraphie minutieusement les corps des athlètes et s’amusent à les désarticuler ou les déformer dans une sorte de ballet qui joue constamment avec les codes mêmes du cirque pour les renverser ou les pousser jusqu’à la folie.

Truffé de clins d’œil à Fellini, à Magritte, à Kantor même, et par moments empreint d’une nostalgie poignante, Le Cri du caméléon est un spectacle totalement soufflant de virtuosité et de talent.  L’enthousiasme des interprètes, leur arrogante jeunesse, leur dextérité impertinente sont aussi séduisants que la fluidité, l’inventivité et l’allégresse de la mise en scène.