4h00(avec entracte)
Français
Empire Panique (Canada | Montréal)
Dans un monde où l’Empire est tout puissant, où les anges sont des militaires et où les sapins de Noël parlent, Woody a grandi avec Jésus comme superhéros (précisément, Jésus dans La dernière tentation du Christ de Martin Scorsese). Dans un univers hyper déjanté, Philippe Boutin nous invite à nous questionner sur le véritable sens de la Bible et ce qui en reste dans la mythologie populaire. Humour, cinéma, Kung Fu et musique live se côtoient dans ce diptyque multidisciplinaire où tout est permis. Une sublime épopée pop-mystique à mi-chemin entre l’ancien testament et le western spaghetti.
Texte et mise en scène Philippe Boutin en collaboration avec l’équipe
Interprètes ayant collaboré à la création Rosie-Anne Bérubé-Bernier, Jaleesa Coligny, Larissa Corriveau, Maxime Genois, Léo Hamel, Émilou Johnson, Pierre Labbé, Simon Landry-Désy, Étienne Lou, Emmanuelle Lussier-Martinez, Kimberley de Jong, Maxime Mompérousse, Cécile Muhire, Christophe Payeur, Clara Prévost, Nikolas Pulka, Raphaëlle Renucci, Frédérique Rodier, Valmont Harnois, Vincent Kim et un enfant
Direction de production Antoine Rivard-Nolin
Direction technique Juliette Papineau-Holdrinet
Assistance et régie Flavie Lemée
Conseil dramaturgique Joséphine Rivard
Chorégraphie de La Genèse Elon Höglund
Costumes Leïlah Dufour-Forget
Assistance au costume Juliette Dubé-Tyler
Éclairage Leticia Hamaoui
Assistance aux éclairages Béatrice Germain
Scénographie de La Genèse Clémentine Verhaegen
Scénographie de La plus belle histoire jamais contée Angela Rassenti
Musique de La Genèse Antoine Berthiaume
Musique de La plus belle histoire jamais contée Pierre Labbé
Conception sonore de la pantomime Ilyaa Ghafouri
Sonorisation Frédéric Auger
Oeil extérieur Marilise Aubry
Une production d’Empire Panique avec le soutien de l’Usine C, du Centre National des arts à Ottawa, du Conseil des arts et lettres du Québec, du Petit Théâtre du Nord à Boisbriand, de la compagnie Marie Chouinard, de la maison de la culture Marie-Uguay, Pointe-aux-Trembles, Claude-Léveillée, et Mercier.
Véritable feu d'artifice théatrâl
JEU, revue de théâtre, 19 mai 2022
[Ça] évoque une version Marvel de la vie de Jésus
Atuvu.ca, 18 mai 2022
Philippe Boutin vise à créer du ludique tout en faisant réagir.
Le Devoir, 14 mai 2022
Le BlingBling est tout ce qui est superficiel, ostentatoire, de surface.
Le BlingBling, symbole de l’abondance, peut-être est un collier qu’on porte avec fierté, des mains couvertes de bagues, un sourire de dents en or.
Le BlingBling peut-être une attitude exubérante. Ce besoin de se faire voir et d’afficher sa présence et ses richesses. Cette mise en spectacle de ces richesses cherche à magnifier l’abondance, et éblouit par ce diamant hypnotisant, ce BlingBling nous fait trop souvent oublier l’essentiel.
Le BlingBling c’est le règne de l’égocentrisme où la communauté en prend un coup.
Le BlingBling c’est le déclin de l’Amérique, la mort de la culture et le triomphe du spectacle.
Considérant la politique internationale, les guerres interminables, la montée des tendances extrémistes, les crises financières et environnementales, on constate que les populations à travers le monde ne se sentent plus représentées par leurs dirigeants. Elles ont plus que jamais besoin d’espoir et de croire en quelque chose de plus grand qu’elles-mêmes. À titre d’exemple, un leader comme Donald Trump incarne une figure marquante de notre « siècle BlingBling » en personnifiant le culte de la personnalité et du vedettariat : il représente parfaitement notre époque, celle du selfie et de la mise en marché de soi, de la division de l’Amérique et de la violence qu’elle engendre. Quant à lui, la figure de Jésus, présente dans l’imaginaire spirituel et culturel de chacun.e, symbolise exactement le contraire. Personnage révolutionnaire refusant toute forme de pouvoir (bien qu’on lui offre une tribune et une notoriété politique), il aspire uniquement à mettre de l’avant son message de paix, d’amour et de pardon.
Bercé.e.s par les rêves de héros qui combattent le mal par la force, que pouvons-nous faire pour rendre ce monde meilleur ? Pouvons-nous espérer mettre fin à sa violence? Jésus, l’homme tout puissant qui se laisse mourir, a quelque chose de radical à nous dire.
Au cœur de cette conception culturelle populaire, Jésus incarne selon nous le héros ultime. Il est le premier personnage célèbre à instaurer la notion de non-violence, contrairement aux héros des grandes sagas épiques qui s’inscrivent quotidiennement dans notre culture populaire. Ces héros qui continuent d’exercer une grande influence portent en eux des idéaux qui, à la longue, comportent des risques et véhiculent des valeurs loin d’un pacifisme idéal. Batman, Luke Skywalker et Wonder Woman, bien que définis dans notre culture comme des héros positifs et vertueux, sont des héros belligérants, avec d’importants pouvoirs et qui utilisent définitivement la violence pour arriver à leurs fins.
L’avènement des super-héros dans notre culture est sans aucun doute une circonstance de masse qui mérite notre attention : en Amérique, on assiste à une mythification nationale qui rappelle par moment celle de l’Antiquité en Europe. Ces figures mythiques, largement répandues et consommées, offrent des perspectives sur les besoins (et les appréhensions) enfouis au sein de la société. Souvent, derrière cette pléthore d’effets spéciaux captivants, en filigrane de ces œuvres littéraires et cinématographiques, on insuffle un sentiment patriotique et souligne l’importance de bien s’armer pour se défendre face à des menaces imminentes. Plus encore, ces nouveaux mythes suscitent des interrogations sur les impacts de la surproduction et surmédiatisation de ces méga-productions cinématographiques aux budgets colossaux.
La question qui se pose est la suivante : jusqu’où les mythes contemporains, surexposés sur nos écrans de cinéma, influencent-ils notre perception de la justice, du pouvoir et de la réalité ? Comme le dit Chris Hedges dans son essai L’empire de l’illusion, « Plus nous nous éloignons d’une culture transmise par l’écrit, tout en complexité, en nuances et en idées, pour nous réfugier dans l’univers rassurant des slogans, des célébrités et de la violence, plus nous risquons l’implosion. »
Là réside alors notre intention dramaturgique : creuser dans la mythologie du personnage de Jésus grâce au langage établi par l’omniprésence des super-héros dans notre culture populaire. Bercé.e.s par les rêves de héros qui combattent le mal par la force, que pouvons-nous faire pour rendre ce monde meilleur ? Pouvons-nous espérer mettre fin à sa violence? Jésus, l’homme tout puissant qui se laisse mourir, a quelque chose de radical à nous dire.
Encore à ce jour, le personnage de Jésus demeure passionnant et radical de par ses aventures grandioses et tragiques, ses choix audacieux, voire scandaleux, ainsi que par sa portée psychologique sans pareille. Ce n’est pas un personnage qui fait l’unanimité et le discours qui lui est associé doit être abordé avec nuances et discernement.
Soyons clair.e.s : nous ne voulons pas aborder l’histoire du christianisme, ni en faire un éloge, une caricature ou une critique. Nous souhaitons plutôt utiliser le personnage de Jésus, son histoire épique, son enseignement moral et par-dessus tout, la spectacularisation de tous ces éléments dans notre société actuelle comme matériel de création afin de réactualiser ceux-ci de manière théâtrale, chargée et complexe.
Fait de privilégier le spectaculaire au détriment des idées et de la réflexion
Si l’on pense à la scène du Nouveau Testament où Jésus, furieux, chassa les marchands du Temple en les accusant de profaner un lieu saint, eux qui échangeaient de l’argent et exploitaient les croyants, il est facile d’affirmer aujourd’hui, que ces mêmes marchands n’ont malheureusement jamais cessé de faire leur commerce! Il n’y a pas de doute, nous vivons dans un monde où tout est monnayable, dans lequel même la spiritualité est synonyme de marchandisation, comme en témoigne la prolifération de mouvements religieux, y compris les sectes, ainsi que l’omniprésence de personnalités motivatrices, d’influenceurs et de coachs
de vie célèbres qui font fortunes en commercialisant leurs services tels que Tony Robbins et Jay Shetty. Cette tendance a donné naissance à ce que nous aimons appeler « l’ère du BlingBling spirituel ». Ces « médecines spirituelles » placent souvent l’individu au centre, nourrissant l’égocentrisme au détriment de l’esprit communautaire qui s’efface peu à peu jusqu’à disparaître de notre monde.
De manière globale, notre œuvre aborde la spiritualité et les philosophies de Jésus confrontées à un monde en perdition. Au-delà d’une réflexion poétique et satirique, l’évocation des richesses de l’Église s’inscrit directement dans certains faits relatés historiquement (entre autres, dans le Nouveau Testament) et surtout, dans les revendications émises par Jésus lui-même. Dès le début de son ministère, Jésus dénonce la corruption du Clergé et les richesses injustifiables de l’Église face à des populations dans le besoin. Les prophètes l’exprimaient ainsi : « L’idolâtrie gagne du terrain, et la vraie religion recule », comme si, selon eux, le peuple tendait vers l’adoration envers d’autres divinités comme l’argent et le pouvoir.
Le constat en 2024, c’est que « Les marchands ont gagné » et que le cœur des gens a soif d’adoration. Ce qui nous gouverne s’inscrit dans un mouvement superficiel. Nous baignons dans une culture de l’illusion, du vedettariat, du spectacle. Il va sans dire que notre titre, The Rise of the BlingBling, offre une connotation très pop et satirique, qui oriente certainement nos choix artistiques et aspire à questionner cette ascension. Cela dit, notre approche souhaite éviter tout cynisme, en proposant une œuvre axée sur l’amour.
The Rise of the BlingBling se veut une fable pop mystique. Elle (pourrait) prendre des allures clichées de récits de vengeance emblématique aux histoires de super-héros qui règnent dans notre culture populaire (« I am Vengeance » comme le dit si bien Batman dans l’œuvre éponyme sortie en 2021). Nous souhaitons toutefois utiliser ces mythes de la culture populaire ainsi que l’histoire de Jésus pour clamer quelque chose du genre : « Ça ne sert à rien de se taper sur la gueule. Qui êtes-vous pour juger ? Aimez-vous les uns les autres, aidez votre prochain, aimez vos ennemis, c’est ça le vrai miracle, la vraie révolution! »
On accepte depuis trop longtemps l’ascension d’une culture de superficialité, de spectacularisation, de surproduction et de grande violence, qui fait naître des « héros » qui utilisent la force pour régner sur ce que l’on croit être la justice.
Mais qui ose vraiment parler d’amour ?
Tu aimeras ton prochain mais tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis et priez pour vos persécuteurs ! (Mt 5 : 43-44)
D’une manière très personnelle, dès ma plus tendre enfance, j’ai toujours considéré le personnage de Jésus comme un super-héros. Il évoquait en moi l’image d’un être doté du courage nécessaire pour se battre en faveur des opprimés. Il y avait quelque chose d’extraordinairement captivant dans l’idée d’être l’élu et de suivre un parcours épique aboutissant à un sacrifice ultime, au nom de la l’amour et de la liberté.
Mon identification à Jésus était profonde, similaire à celle d’un ami aspirant à incarner Spiderman. Il est essentiel de souligner que mon admiration ne se portait pas spécifiquement sur la religion catholique, mais plutôt sur la figure de Jésus en tant que personnage.
Pour moi, Jésus incarne la compassion, l’inclusion, le partage, la non-violence, la bonté personnifiée. Il représente en fin de compte un héros destiné à libérer le monde de la souffrance. Peu de héros peuvent rivaliser avec de telles qualités, faisant de Jésus une source d’inspiration unique. Il représente un ensemble de valeurs qui m’accompagne depuis toujours, et ce qui me passionne avant tout, ce sont ses enseignements philosophiques.
Un exemple frappant est son verset qui annonce « Aimez vos ennemis » (Mt 5 : 43-44). Mais comment aimer ses ennemis ? Selon moi, c’est l’enseignement de Jésus le plus difficile et le plus dérangeant. Personnellement, je le perçois ainsi : plutôt que de partir en guerre (c’est-à-dire de céder à la colère), essayons de comprendre le parcours de notre « ennemi », de rester sensibles à son histoire, et ouverts face à ses
décisions qui peuvent différer des nôtres, mais qui restent humaines. Rappelons-nous que nous avons devant nous un être humain qui n’a pas emprunté le même chemin, qui n’a peut-être pas bénéficié des mêmes privilèges et qui a sûrement une histoire différente de la nôtre. Ainsi, face à l’adversité, plutôt que de réagir promptement et de manière agressive, quel que soit le degré de conflit, l’enseignement de Jésus nous invite à se livrer humblement à un exercice d’empathie et de sacrifice (renoncer à sa colère). L’humilité et l’empathie sont des qualités spirituelles qui méritent d’être explorées à notre époque souvent axée sur le matérialisme et les quêtes individuelles.
Nous ressentons un besoin criant de retrouver l’esprit de communauté. Et c’est avec humilité que je rassemble une équipe d’artistes autour de moi, pour poser sur ce personnage grandiose : un regard d’artiste.