2018
Brigitte Haentjens (Montréal)
Texte Bernard-Marie Koltès
Mise en scène Brigitte Haentjens
Avec Hugues Frenette et Sébastien Ricard
Assistance mise en scène et régie Jean Gaudreau
Dramaturgie Mélanie Dumont
Scénographie Anick La Bissonnière
Musique Bernard Falaise
Lumières Alexandre Pilon-Guay
Costumes Julie Charland assistée de Yso
Maquillage et coiffures Angelo Barsetti
Sonorisation Frédéric Auger
Collaboration au mouvement Mélanie Demers et Anne-Marie Jourdenais
Équipe de tournée Christian Gagnon et Éric Le Brec’h
Direction technique Jérémi Guilbault Asselin
Direction de production Sébastien Béland
Direction administrative Xavier Inchauspé
Production SIBYLLINES, en coproduction avec le Théâtre français du CNA.
À propos des artistes
DANS LA SOLITUDE DES CHAMPS DE COTON
« Si un chien rencontre un chat par hasard, ou tout simplement par probabilité, parce qu’il y a tant de chiens et de chats sur un même territoire qu’ils ne peuvent pas, à la fin, ne pas de croiser – ; si deux hommes, deux espèces contraires, sans histoire commune, sans langage familier, se trouvent par fatalité face à face – non pas dans la foule ni en pleine lumière, car la foule et la lumière dissimulent les visages et les natures, mais sur un terrain neutre et désert, plat, silencieux, où l’on se voit de loin, où l’on s’entend marcher, un lieu qui interdit l’indifférence, ou le détour, ou la fuite – ; lorsqu’ils s’arrêtent l’un en face de l’autre, il n’existe rien d’autre entre eux que de l’hostilité, qui n’est pas un sentiment, mais un acte, un acte d’ennemis, un acte de guerre sans motif.
Le premier acte de l’hostilité, juste avant le coup, c’est la diplomatie, qui est le commerce du temps. Elle joue l’amour en l’absence de l’amour, le désir par répulsion. Mais c’est comme une forêt en flammes traversée par une rivière : l’eau et le feu se lèchent, mais l’eau est condamnée à noyer le feu, et le feu est forcé de volatiliser l’eau. L’échange des mots ne sert qu’à gagner du temps avant l’échange des coups, parce que personne n’aime recevoir de coups et tout le monde aime gagner du temps. Selon la raison, il est des espèces qui ne devraient jamais, dans la solitude, se trouver face à face. Mais notre territoire est trop petit, les hommes trop nombreux, les incompatibilités trop fréquentes, les heures et les lieux obscurs et déserts trop innombrables pour qu’il y ait encore de la place pour la raison. »
Bernard-Marie Koltès, Prologue, Éditions de Minuit, 1991
Entrevue avec Sébastien Ricard à l’émission Culture Club de René Homier-Roy
Film-documentaire de Stéphane Metge, Une autre solitude (1995)
Pour la première fois, Patrice Chéreau accepte l’idée de se laisser filmer et de collaborer au plus près de ce film pendant son travail de création. Il accepte le risque de se laisser observer à la loupe pendant un an, de livrer ses secrets, ses doutes et ses angoisses, de mettre à nu la circulation de ses énergies, de ses intuitions, de ses certitudes, bref de livrer ses secrets sans complaisance, le temps de recréer et jouer Dans la solitude des champs de cotonde Bernard-Marie Koltès, le temps de remettre en scène le Don Giovanni de Mozart. Autour de cet opéra, travail lyrique, autour de la recréation totale de Dans la solitude des champs de coton en compagnie de Pascal Greggory, ce sera la première fois que se restituera sur l’écran le travail unique de Patrice Chéreau.
À propos des artistes
BERNARD-MARIE KOLTÈS, l’auteur
Né en 1948 à Metz, Bernard-Marie Koltès quitte sa ville natale pour Strasbourg. Il a 20 ans et destine sa vie au théâtre. En 1970, il écrit et met en scène sa première pièce, Les amertumes, avec la compagnie qu’il fonde alors : Le Théâtre du Quai. Grand voyageur, il se rend au Canada et aux États-Unis, mais séjourne aussi en URSS, au Nigéria, au Mali, en Côte d’Ivoire, au Guatemala, etc. Au cours de ces voyages ou de retour à Paris, il écrit une quinzaine de pièces dont plusieurs marquent les esprits : La nuit juste avant les forêts (1977), Combat de nègres et de chiens (1985), Quai Ouest (1985) ou Roberto Zucco (1989).
Dans la solitude des champs de coton est créé au Théâtre Nanterre-Amandiers par son grand complice artistique, Patrice Chéreau, en 1987. Deux ans plus tard, il s’éteint à l’âge de 41 ans.
BRIGITTE HAENTJENS, la metteure en scène
Née en France et formée au théâtre à l’École Jacques Lecoq (Paris), elle s’installe en Ontario en 1977 et devient, en peu de temps, une des chefs de file de la création artistique franco-ontarienne à Ottawa puis à Sudbury. À Montréal depuis 1991, elle se fait rapidement connaître par son style percutant, original et personnel. En 40 ans de carrière, elle signe 7 livres, 3 chorégraphies de danse et 55 mises en scène au théâtre. Caligula (1993), Quartett (1996), Mademoiselle Julie (2001), La cloche de verre (2004), Tout comme elle (2006), L’Opéra de quat’sous (2011), Richard III (2015), pour n’en nommer que quelques-unes, auront été chaleureusement accueillies par le public et récompensés par la critique. Elle dirige aujourd’hui sa compagnie de création, Sibyllines, et le Théâtre français du CNA à Ottawa.
HUGUES FRENETTE, acteur
Actif sur les scènes depuis 1996, Hugues Frenette y a endossé une soixantaine de rôles notamment ceux de Cyrano dans Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand et de Donatien Marcassilar dans L’Asile de la Pureté de Claude Gauvreau pour lesquels il s’est vu octroyer des prix d’interprétation. On a pu le voir au petit écran dans diverses téléséries dont Karl & Max et Apparences. Il a également signé quelques mises en scène notamment celle de Qui a peur de Virginia Woolf ? de Edward Albee présentée au Théâtre La Bordée en 2016 et pour laquelle il a obtenu le prix de la meilleure mise en scène au Prix d’excellence des arts et de la culture de la ville de Québec. Il enseigne le cours de direction d’acteurs aux élèves en mise en scène et création du Conservatoire d’Art dramatique de Québec.
SÉBASTIEN RICARD, acteur
Sébastien Ricard partage son talent protéiforme entre le jeu, la chanson populaire (membre fondateur du groupe Loco Locass) et l’implication politique. Au théâtre, il a joué dans de nombreuses productions de la compagnie Sibyllines dirigées par Brigitte Haentjens : L’Opéra de quat’sous, La nuit juste avant les forêts, Woyzeck, Vivre et Richard III pour lequel il a remporté le prix Gascon-Roux remis par les abonnés du TNM et celui remis par l’Association québécoise des critiques de théâtres. Au cinéma, il a incarné Dédé Fortin dans Dédé, à travers les brumes pour lequel il a reçu le prix Jutras du meilleur acteur. Il a tenu le premier rôle dans Chorus de François Delisle et dans Antoine et Marie de Jimmy Larouche.
SIBYLLINES CRÉATION ET LIBERTÉ
Fondée en 1997 par Brigitte Haentjens, Sibyllines privilégie une démarche artistique où la liberté se traduit dans les choix dramaturgiques et dans les méthodes de production. Sibyllines travaille sur le répertoire contemporain et s’intéresse à des écritures poétiques ou politiques, telles que celles de Müller, Koltès, Duras, Büchner, qui s’éloignent des formes traditionnelles de narration. Sibyllines a créé jusqu’à ce jour vingt spectacles. D’une production à l’autre, Brigitte Haentjens n’a cessé de parler de la venue à l’écriture, de l’accès à la création, de ce qu’il faut de courage et de détermination pour parvenir à dire « JE », sans concessions aux désirs des autres. Identité, sexualité, pouvoir : tels sont depuis toujours les trois grands axes, les trois pôles d’attraction, les trois obsessions de la metteure en scène.
« Alors que l’interprétation de Frenette est limpide est déliée, celle de Ricard, portée par son phrasé distinctif, est d’une indéniable intensité, d’une redoutable efficacité. »
Christian Saint-Pierre
Le Devoir, 26 janvier 2018
« Mais la réelle lutte se pratique par la parole, à même le texte de Koltès, brillant et lucide. Dans sa façon d’intellectualiser chaque fait et geste du commerce pour tenter de comprendre ce qu’on perd à être des hommes, ce qu’on perd dans l’incommunicabilité des êtres. Et comme toujours chez lui, c’est jouissif et on se délecte l’heure durant tant de son génie que de la prouesse des interprètes. »
Jérémy Laniel
VOIR, 26 janvier 2018
« Grâce à cette intelligence du texte qui est la sienne, Brigitte Haentjens le fait entendre avec une clarté rarement atteinte, son travail sur le corps le donne à voir, littéralement. Les deux comédiens font corps avec les mots de Koltès, ils en sont habités, imprégnés avec une magnifique intensité. »
Michelle Chanonat
JEU, revue de théâtre, 25 janvier 2018
« Dans la solitude des champs de coton nous mène pratiquement à un "orgasme intellectuel". »
Mario Cloutier
La Presse, 29 janvier 2018